Dans leurs mains caleuses
J'éprouve une curieuse pudeur à demander aux marchands derrière leurs étals s'ils sont vraiment producteurs, tant il est vrai que j'ai peu de considération pour les simples revendeurs. Seulement je ne vois pas l'intérêt d'aller au marché pour les tomates sans goût des supérettes et il faut bien séparer les vrais des mauvaises graines. J'ai donc un truc théoriquement imparable : je vise les mains, et si c'est sale, c'est bon. La dernière fois cependant, sous les mitaines, les doigts poussiéreux m'ont induite en erreur. Car il les faut BIEN sales, entendons-nous, de cette patine que laisse le travail de la terre et qui brunit ces outils millénaires en y traçant d'épais sillons permanents, qui burine les doigts et épaissit la peau. La prochaine fois, je caresserai les mains de ces paysans. Des yeux, parce que je suis pudique, et ce sera une manière d'honorer ces hommes d'ici qui nous portent les fruits de la terre - carottes, choux frisés, oignons rouges, topinambours, cresson, coriandre...